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Un an d'atelier créatif au Centre Ressource!

Fin octobre 2021, je vous avais raconté mes projets de bénévolat au Centre Ressource de Charleville-Mézières. Pour rappel, ces centres accueillent des personnes atteintes ou ayant été atteintes de cancer. C'est un accompagnement hors du champ médical, centré sur la personne et non sur sa maladie.

Année intense. Je propose des massages. Au début, j'étais la seule masseuse et je me suis mis un peu la pression. Il faut dire que les retours étaient très positifs et que c'est très motivant. "j'avais occulté cette partie de mon corps". J'avais oublié que j'avais un corps" "Mais alors,mon corps est vivant!" Voilà ce que j'ai entendu, alors comment ne pas avoir envie de donner! La fatigue m'a rattrapée, de nouvelles masseuses sont arrivées, chacune apportant sa particularité. J'ai pu lever le pied et désormais, je propose un massage par semaine. J'ai une bonne faculté d'écoute, mes 35 ans de travail personnel, de stages m'aident beaucoup à écouter et échanger, donc c'est très souvent pour ne pas dire toujours, massage et discussion.

C'est aussi ce qui se passe lors de l'atelier créatif du mercredi (les discussions!). Au début, j'avais appelé ce moment "patchwork" mais au vu des réactions "ah non, je ne vais pas aller à ce truc de grand-mère", nous avons modifié le nom. "Atelier créatif", c'est plus général et convient mieux. Nous jouons avec les tissus et le kawandi est le roi!

Je vous présente d'abord deux projets faits tout au début, avant la déferlante kawandi.

Pour des raisons de confidentialité que souhaitent certaines, je ne mentionnerai parfois uniquement l'initiale des prénoms.

C a joué avec des rectangles de feutrine qu'elle a posés sur un molleton un peu rigide. Elle a ajouté une broderie afghane, un carré d'un tissu à bulles colorées. Puis quelques petites chutes de tissus, quelques boutons.Tout a été fixé avec quelques points simples. C'était très intéressant de voir la progression, comment un morceau de tissu, un bouton change l'ensemble, le fait vivre. J'aime beaucoup la simplicité et les petits détails qui changent tout.

C est venue le temps de faire ce panneau.

Lydie était là avec C lors du premier atelier. Elle est venue toute l'année et est devenue l'un des piliers de ce groupe. Elle a démarré par un petit carré qui montrait déjà sa créativité. 

J'avais proposé ce carré              Lydie a fait celui-ci


 

Le groupe s'est étoffé et la folie des kawandis est arrivée. J'ai été fascinée par la façon dont les personnes se sont approprié cette technique. Kawandi à thème, kawandi utile, kawandi de customisation...

Lydie aime les kawandis à thème. J'ai fourni beaucoup de tissus, quelques broderies afghanes et africaines, des petits carrés imprimés d'animaux achetés dans un salon... Elle y a trouvé son bonheur. Je n’ai pas forcément des photos de tous ses kawandis terminés, je m'en rends compte en écrivant l'article, pas grave.

Voici son premier pas tout à fait fini. Je propose toujours de faire un premier kawandi de petite taille (25 à 30 cm de côté) pour voir si ça plaît ou pas.

Puis celui pour sa petite fille
Un bouquet rose
Les indiennes qui font des kawandis piochent dans leurs chutes et alignent leurs tissus sans trop réfléchir. Pour Lydie, impossible, elle a besoin de construire son kawandi avant de commencer à coudre. Je tends aussi de plus en plus vers cette façon de faire.

Sur une base de noir et blanc, broderies africaines et couleurs toniques.

Je lui ai suggéré  de poser sur le dos les étiquettes qui accompagnaient les broderies.
Lydie a profité de l'abondance de chutes de tissus à coeurs pour faire un arbre de coeurs.  Entouré de ciel bleu et le soleil en coin! Le printemps était là!
Le groupe s'est vite agrandi avec Marie, Gaëlle, Magalie, Danielle. Quelques personnes viennent une ou deux fois, ne reviennent pas.

Les chimiothérapies ont abîmé les mains de Marie et l'extrémité de ses doigts a perdu de la sensibilité. Coudre est compliqué, surtout en hiver. Elle a fait un premier kawandi à grands points en cousant les contours des tissus.

 
Il me manque des photos de ce que Marie a réalisé. Elle est très active et créative. Elle s'est inspiré des carrés du début pour faire un panneau en carrés de tricot. Elle a fait un coussin en kawandi. Comme elle est persévérante et un peu têtue, le kawandi suivant était plus "cousu". Je dois lui rappeler de temps en temps qu'elle est là pour se faire plaisir et pas se faire mal. Marie s'est lancée dans la customisation de vêtements. J'ai la photo de la customisation en cours d'un bermuda. Là, ça fait mal aux doigts!! J'ai aidé à épingler. Le kawandi est devenu une addiction pour Marie. Ça la détend, ça l'apaise. 

J'ai finalement pu prendre en photo le coussin en cours. Marie avait commencé un rectangle avec une broderie afghane. L'idée du coussin est venue. Rectangle trop petit... Elle en refait un autre puis les joint en camouflant la jointure par une dentelle.

Entre temps, j'ai montré une pochette en boro faite au cours d'une journée d'amitié France Patchwork. Marie brode le long de quelques coutures
"Mais non, Annie, pas quelques coutures, je vais broder le long de toutes les coutures! Tu me montres d'autres points de broderies?" "Oui, Marie, très volontiers!!!"

Passons à Gaëlle, la passionaria des matriochkas. J'avais fait de petites matriochkas il y a longtemps. J'en ai proposé le modèle. J'avais raconté que mon amie Isabelle emmenait avec elle dans son parcours thérapeutique le coeur que je lui avais fait. Gaëlle s'est confectionné une matriochka qu'elle a emmenée partout avec elle tout au long de ses traitements, examens...

 
Comme elle a une fille adorable, elle lui en a fait une. Ses garçons ados lui en ont demandé une. L'amie qui l'a accompagnée beaucoup en a eu une aussi. Et un jour, elle vient en disant qu'elle en a fait une vingtaine

et qu'elle avait envie de changer un peu de format. Une pour elle, une pour sa fille. Un de ses fils en a demandé une aussi. Gaëlle a utilisé pour entourer le visage un tissu tricot doux donné par la modiste locale.

Lors d'une fête, Gaëlle vient d'avoir une grosse commande petites matriochkas, adultes, ados, enfants, les amis en veulent!!

Elle a confectionné tout au début un kawandi pour ranger son dossier médical. L'idée est de tout brûler une fois que ses traitements seront terminés. Etait, elle m'a dit récemment qu'elle ne le brûlerait pas. 

Elle a commencé par faire un "grand" kawandi. Mais il ne suffisait pas pour pouvoir tout ranger. Elle a donc fait un autre kawandi pour pouvoir faire une pochette plus conséquente. Et un jour, elle nous a dit "mes papiers traînent encore un peu partout et je ne sais pas si la pochette va être assez grande vu le nombre de documents!!!" avec un grand éclat de rire. Gaëlle est le clown du groupe. Même les jours où le moral flanche, elle trouve toujours un moyen de nous faire rire et parfois hurler de rire. La secrétaire nous entend souvent rire alors que le couloir qui nous sépare de son bureau est un peu loin!!!

 
Gaëlle a fait des fulas, les petits triangles dans les coins. Du coup, il y en a deux dans les coins du bas.

Sa fille lui a réclamé une pochette cachette pour son journal intime


 Voici une autre pochette où elle range toutes ses chutes de feutrine.

 
Danielle est très discrète, toute douce, toujours souriante. Et persévérante! Les débuts ont été un peu difficile mais elle a bien persisté. Son kawandi s'est transformé en une pochette très élégante.


Danielle a commencé un canevas accompagnée par Elizabeth. Ca leur convient mieux que les kawandis. L'essentiel est d'être ensemble en se faisant du bien!

Magalie aime tricoter des bonnets et a bien réchauffé nos têtes cet hiver. Elle a repris le travail mais a préservé ses mercredis après-midi et va commencer un kawandi puisqu'elle aime aussi les tissus.


Ce groupe s'est constitué tout au long de l'année. Il y a des personnes en cours de traitement, Certaines savent que le traitement aura une fin, d'autres savent qu'elles auront toujours un traitement, d'autres ont terminé tous leurs traitements, parfois depuis plusieurs années. Ce que j'ai appris entre autre cette année est que le besoin de parler est là, que les traitements sont rudes, que la fin des traitements est une autre étape très importante, que ce n'est pas parce que les traitements sont terminés que tout ça est fini, comme souvent l'entourage aimerait le penser. La fatigue est encore bien présente, la façon de voir la vie a changé. L'annonce d'un cancer est un tsunami, quelque soit le pronostic, quelque soit le traitement. Il n'y a pas de petit cancer, de petit traitement et la vie ne sera plus jamais comme avant. Même très entourée, la personne est seule face à sa maladie. Ça peut paraître paradoxal et difficile à comprendre mais c'est ce que j'ai compris cette année. Et pourtant, être entourée est primordial et celles et ceux qui le sont l'apprécient. Même si c'est maladroit, pas assez, pas de la façon dont la personne aimerait parce que les besoins et les demandes sont parfois impossibles à comprendre et à satisfaire, l'aide de la famille et des ami(e)s est si précieuse!   

Lors de nos discussions, on évoque la famille. Un jour, il y a eu une très belle discussion sur les aidants, surtout les conjoints. Mon mari a eu pendant plus de deux ans un traitement très lourd. Mon expérience d'aidant à ce moment là enrichit la discussion. J'espère qu'un jour, nous pourrons accompagner les aidants parce que eux aussi souffrent et n'ont aucune aide.  Le Centre a organisé quelques évènements où les conjoints étaient là et ils ont tous apprécié. Je parle des bénéficiaires au féminin car à l’atelier créatif, ce sont des femmes qui viennent. Un homme est venu une fois. J'espère qu'il reviendra. Son début de kawandi l'attend! Je masse aussi des hommes et j'entends les mêmes demandes, les mêmes souffrances, la même énergie.

Quelle satisfaction pour moi de voir ce groupe solidaire qui se fait du bien, qui se retrouve avec plaisir. Bien sûr, il y a parfois de petites tensions. A moi de gérer la dynamique du groupe, à réorienter parfois les discussions, à laisser l'espace à chacune pour parler. Car ce groupe se retrouve avec plaisir pour coudre mais surtout pour parler, pour échanger les expériences, les souffrances, les bonnes nouvelles, les moins bonnes. Je leur ai proposé de venir aussi quand je suis absente, en autonomie. Elles ont tenté mais non, "si tu n'es pas là, on ne vient pas". J'aime les attentions qu’elles ont les unes pour les autres, les échanges d'expériences. Dans ce bénévolat, je donne c'est sûr, et je reçois tellement aussi! Tant dans le massage que dans l’atelier créatif. J'ai tellement appris en moins d'un an!

Un projet commun est en route. Je vous en parlerai un jour.

A bientôt.

Prenez bien soin de vous.

Annie🌷

Commentaires

  1. Coucou Annie, quel plaisir de lire cet article où tant de belles choses transparaissent. Bravo pour ton action, ton soutien, ton écoute, et bravo à toutes celles qui viennent au centre. Magnifiques ouvrages, qui ont chacun une signification profonde. J'adore les kawandis de Lydie ;-)
    Merci pour le partage, dans ma link party aussi.

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    1. Ces moments sont précieux et la créativité est au rendez-vous. Donc, j aime😊

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  2. Quelle magnifique aventure riche et intense pour tou(te)s les participantes! Le textile sera toujours un très bon médium...

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    1. Oui, le textile permet tellement d ouverture, de possibilités...

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  3. Quel joli partage ! Je te souhaite de trouver tout de même un peu de temps pour continuer tes propres projets.

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    1. un peu compliqué de faire mes propres projets mais pas à cause du Centre!

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  4. Quel bonheur de participer à tes animations , de penser à autre chose que la maladie ! Merci pour toutes !

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    1. C'est vrai que c'est un vrai moment de détente et de rires mais le partage des soucis est aussi important. L'ambiance légère aide!

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  5. un bel atelier, riche en échanges et expériences... tes matriochkas me font de l'oeil, je vais essayer d'en faire une pour une collègue malade...

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    1. ah les matriochkas :-) J'espère que tu as pu en faire une pour ta collègue. Je réponds très tard!!!

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quel plaisir de vous lire! Je sais qu'il est parfois impossible de me laisser un commentaire et je ne sais pas pourquoi! Mais votre visite me fait de toute façon toujours plaisir.

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